Les personnages « Mary-Sue » : quand les auteurs tuent leur livre en voulant être trop parfaits.

Une Mary-Sue, kézako ?

S’il n’y a pas de définition précise de ce terme, on l’applique généralement aux personnages de fiction « trop parfaits », qui se voudraient être une projection idéalisée de l’auteur dans l’œuvre. Grosso merdo modo, c’est le personnage typique de fanfiction écrit par une collégienne qui rêverait de ressembler à ses héroïnes de série préférée, que l’on rencontrera à outrance sur wattpad ou autre plateforme de partage où les chapitres sont postés dans un logique d’instantanéité plutôt que de qualité. L’auteur.e n’est pas toujours conscient.e de s’être créé un avatar dans son roman, une version idéalisée, parfaite, où il jouit de toutes les qualités qu’il rêverait posséder I.R.L. Si cette définition est à l’origine du personnage de la Mary-Sue, on considère aujourd’hui que ce n’est pas forcément une projection de l’auteur mais tout simplement un personnage trop parfait, que l’auteur idéalise tant qu’il ne lui attribue pas de défauts. Cela en fait très vite un perso irritant (vous savez, le cliché de la pompom girl blonde qui a de gros seins et des fesses bombées mais un ventre béton et pas l’ombre d’un capiton de cellulite, orpheline, qui sort avec un quarterback super mignon, qui se découvre des pouvoirs démentiels et va être embarquée dans une folle aventure, dont elle se sortira sans une égratignure, après avoir affronté un triangle amoureux déchirant entre le quarterback et un magicien ténébreux… Dans ce genre-là, quoi.)

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Si vous parlez anglais, j’aime bien ce tableau qui caricature un peu la Mary-Sue (bon, à gauche ses défauts flirtent carrément avec la Mary-Sue, mais l’exemple de droite est trop frappant pour que je passe à côté).

Source de l’image (DeviantArt)

Pourquoi un tel personnage peut rendre un livre médiocre ?

Vous lisez souvent des livres dont vous détestez le personnage, vous ? Et je ne parle pas de le détester parce que c’est un méchant et/ou que l’auteur.e fait en sorte que vous n’éprouviez pas d’empathie pour le personnage. Je traite d’un perso tellement idéalisé qu’il en devient agaçant au possible, une sorte de miss je-sais-tout qui n’est jamais malmenée par les événements, ou alors seulement pour la rendre encore plus unique au monde (cliché typique : elle est orpheline). Un tel personnage peut flinguer votre livre, dont l’idée de départ était peut-être très bien, parce qu’il décrédibilise toute votre intrigue : les éléments sont trop prévisibles, trop parfaits, trop incohérents, certains traits du personnage ne collent pas à l’univers tout ça pour le rendre encore plus parfait… Bref, vous êtes dans l’excès et ce n’est jamais bon.

A mes yeux, le cas le plus parlant de Mary-Sue est Bella Swan, dans Twilight. Je ne vais pas me lancer dans une critique du livre parce qu’il me faudrait une dizaine de pages, mais prenons quelques lignes pour présenter la situation : Bella est super jolie, c’est une meuf trop en souffrance (#TeamEmo) parce qu’elle vient de déménager et elle est trop nulle en sport, et comme c’est la petite nouvelle, elle attire l’attention de tout le monde, notamment celle des beaux lycéens. Mais bien sûr, elle va de suite plaire à un vampire centenaire trop en souffrance aussi, qui brille au soleil et dont la couleur des yeux change quand il a faim (parce que l’ail et le visage déformé, ce n’était pas trop glamour, m’voyez). Et, comme par hasard, il ne peut pas lire dans ses pensées, alors ça la rend super spéciale. Et, bien sûr, leur amour est interdit parce que c’est une lycéenne et lui un vieux de 150 balais son sang frais donne faim au pauvre garçon et du coup tout ça est trop dangereux (juste ce qu’il faut pour faire fantasmer un peu les lycéennes). Mais au milieu il y a le beau Jacob, un loup-garou, qui vient créer un triangle amoureux dans cette belle histoire, un dilemme entre le chaud et le froid, l’homme de marbre et l’impulsif… Tout ça pour finir dans des parties de jambes en l’air endiablée entre Bella et Edward, et à une transformation en vampire super douloureuse mais dont Bella ressort grandie, plus forte que jamais, surpassant toutes les attentes. Je vais m’arrêter là, mais vous saisissez l’idée…

ps : je précise que la Mary-Sue peut aussi être un homme, que l’on nomme Marty Stu ou Gary Stu (cf : Edward Cullen, toujours dans Twilight).

Mais alors, vous allez me dire qu’une Mary-Sue n’est absolument pas dérangeante puisqu’elle permet de créer des best-sellers puis des blockbusters qui vous en mettront plein les poches. Hum… C’est une question de point de vue. Pour ma part, si on omet le 4e tome aberrant de Twilight, ça reste lisible quand on a 15 ans (mais franchement, il y a tant d’autres sagas jeunesse vers lesquelles se tourner que c’est dommage de perdre du temps avec celle-là). Disons que ces livres ont été connus alors que l’univers Harry Potter prenait fin et il fallait quelque chose pour combler le trou dans le cœur des fans : après les magiciens, on a créé un gros engouement sur les vampires. Tout est question de marketing, comme pour le Journal d’un vampire ou 50 Shades of Grey : tous les personnages principaux sont des Mary-Sue et pourtant ça cartonne.

Quand les fans accrochent à l’univers, ils ferment vite les yeux sur ce genre de détails, puis il y a beaucoup de lecteurs peu tatillons qui n’ont pas forcément une culture littéraire très pointue et se contentent donc de se tourner vers ce qui marche. Attention, je ne dis pas que c’est mal : il faut des livres pour tout le monde, et tant mieux si ces romans vous incitent à lire. Aujourd’hui populaire sonne comme une insulte, mais ne l’entendez jamais de manière péjorative dans mon discours. Ce que je trouve dommage, c’est que l’on accepte si facilement des personnages sans relief. La Mary-Sue est typiquement une midinette, et j’aimerais que l’on propose des modèles plus inspirants (comme Violette Baudelaire, qui est une héroïne girly mais bad-ass et très intelligente, tout en étant crédible).

Faut-il abolir les Mary-Sue ?

Sans parler d’éradiquer l’espèce, je vous encourage vivement à les fuir. Maintenant, si le style est bon, que l’intrigue est entrainante, ce n’est pas un drame si l’un de vos personnages est une Mary-Sue (c’est plus gênant si c’est le personnage principal, car le lecteur aura du mal à s’y attacher…). Certains qualifient Hermione Granger de Mary-Sue, et c’est clair que dans les livres elle est agaçante, pourtant je l’adore, donc vous voyez : la subjectivité est très présente dans la qualification d’un personnage de Mary-Sue, ce pourquoi il n’y a pas de définition claire et arrêtée. Cet article s’adresse plutôt aux jeunes auteurs, qui n’ont pas encore trouvé leur style et qui idéalisent trop leurs personnages : n’ayez pas peur de les malmener ! Si vous lisez de l’autoédition, voire du compte d’auteur (quand ce ne sont pas de vieux médiums sous opium qui prennent la plume), ou encore des fanfictions/fictions sur le net, vous aurez de grandes chances de rencontrer des Mary-Sue et des Gary Stu. Peut-être que vous écrivez et que l’un de vos personnages l’est déjà (CF ce questionnaire très drôle pour déterminer si votre personnage est une Mary-Sue). Maintenant que vous connaissez le phénomène, vous avez toutes les cartes en main pour retravailler votre personnage afin de le rendre plus crédible : votre texte n’en sera que meilleur !

N’oubliez jamais que la clef d’une bonne histoire est la crédibilité !

 

ps : oui l’image d’illustration de l’article est dégueulasse, mais c’était pour le côté comique.

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14 Replies to “Les personnages « Mary-Sue » : quand les auteurs tuent leur livre en voulant être trop parfaits.”

  1. Je ne connaissais pas du tout le concept de Mary Sue et j’ai lu ton article d’une traite. J’ai adoré ton résumé/critique de Twilight ;D. Je n’ai jamais accroché avec cette histoire et ton résumé reflète complètement mon ressenti.
    Bonne journée !

    1. On trouve des Mary Sue un peu partout, malheureusement, et c’est vrai que je me suis un peu lâchée sur Twilight… Mais le pire c’est sans doute que j’aurais pu continuer sur 18 pages ah ah !
      Merci d’avoir pris le temps de me lire et de faire un tour sur le blog 🙂

  2. Ca me rassure : quand j’ai découvert la définition de Mary Sue, j’ai tout de suite pensé à Bella. Et je me suis dit que si je disais ça, plein de gens allaient tomber dessus !
    Je ne suis donc pas la seule ! ^^

    1. En effet, c’est pour moi l’exemple le plus criant de notre génération. Disons que le succès de la saga fait de Bella la représentante de toutes les héroïnes de ces romances Young Adult qu’on nous sert à toutes les sauces (triangle amoureux, vampires, loups-garous, fille timide vs garçon convoité et tout le tralala qui, à mon humble avis, fait beaucoup de mal à la littérature jeunesse).

  3. bonjour ! je sais que cet article a été publié il y a quelques mois déjà, mais ton avis m’intéresse. est-ce qu’u n personnage principal peut être orphelin sans tomber dans ce cliché que tu décris à merveille d’ailleurs dans ton article ?
    merci d’avance et bonne journée !

    1. Hey ! Merci pour ton commentaire.
      Bien entendu, tu peux créer un personnage orphelin sans que celui-ci ne soit un cliché ambulant 🙂 Comme je le dis dans l’article, tout est question de dosage ! Et c’est surtout l’accumulation de plusieurs des points mentionnés qui crée une véritable Mary-Sue. Donc si ton personnage se présente à toi en tant qu’orphelin, c’est son destin et à toi de l’écrire de la manière la plus épique et originale possible !
      Bon courage 🙂

  4. En fait non Hermione n’est pas une Mary-Sue, elle pourrait même être considérée comme une anti-Mary-Sue dans le sens où elle reprend presque trait pour trait la recette originale mais en la réinterprétant pour obtenir l’effet inverse : son côté je-sais-tout est irritant mais il est présenté comme tel ce qui en fait un défaut qui en la rendant plus humaine la rend très attachante alors que chez une véritable Mary-Sue il serait considéré comme une qualité de plus puisqu’elle ne peut avoir de défaut, qualité qui plongerait en admiration son entourage (c’est connu que tout le monde adore les casse-pieds) et anéantirait toute sympathie du lecteur.
    Hermione est le miroir de Ron, Ron est un paria parce qu’il rate tout, Hermione l’est parce qu’elle réussit tout

    1. Merci pour ton retour, Frédérick, qui permet d’apporter une analyse très intéressante autour d’Hermione. L’article étant déjà long, il m’était difficile de nuancer et de développer chaque personnage abordé. Tu as totalement raison en ce qui la concerne.

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