Quand le gratin est prêt, je n’ai plus faim.
Pas de doute, je suis bien retournée à la vie normale.
Le jour où j’ai renoncé à l’agitation
Je suis revenue à Toulouse sur un coup de tête. Comme un pansement qu’on arrache. Parce qu’il fallait bien le faire un jour. Parce que mon intimité me manquait. Parce que plus on retarde l’inévitable, plus il fait inévitablement mal. Et parce que mes parents avaient besoin de ma chambre, pour pouvoir redécorer la leur, aussi.
Depuis Décembre, j’ai vécu avec urgence. Chaque semaine un projet, chaque semaine une nouvelle envie de bouffer le monde. Des plans de voyages sur la comète, des amis que je ne voulais pas lâcher. Quand un virus est venu chambouler ma petite vie bien agitée, qu’il a obligé le monde à cesser de tourner, j’avoue avoir eu l’angoisse de me retrouver avec moi-même. Se confiner en famille rassurait autant mes parents que ça m’offrait un filet de sécurité. Déjà parce que j’aurais probablement tué mon voisin qui se prend pour un guitariste de renom, ou celui qui perd visiblement très souvent à Fifa, si j’avais dû entendre leur brouhaha pendant 2 mois. Et, croyez-moi, je n’ai pas la force d’aller cacher leurs corps dans le jardin japonais, surtout que les carpes plus grandes que moi me font très peur et qu’elles auraient pu me manger en même temps que leur dépouille. Ensuite, parce qu’à force de ne pas me répondre, j’aurais cru que les murs du salon étaient malades.
Mais maintenant qu’on nous dit que la vie reprend doucement, avec de nouveaux codes, de nouvelles règles, bien qu’avec une impression de déjà vu indéniable, me voilà qui retrouve le silence. Ce silence que j’ai toujours aimé et qui, soudain, avait un bruit d’inhabituel.
Il m’a fallu un peu de temps pour reprendre mes marques. Je dois dire que ce confinement m’a changée. Pas parce que je suis devenue une boulangère en chef, ou que je me suis mise au yoga, ou que j’ai compris qu’on bousillait la planète (pour me remettre à le faire dès le 11 mai). Non. Parce que j’ai rencontré mes parents.
Retour vers le futur, mais en mieux
Je ne vais pas vous mentir, le jour où j’ai compris que j’allais passer 2 mois dans la maison de mon enfance, à devoir caler mon rythme sur celui de mes parents, faire attention de ne pas poser les pieds sur la table basse, trouver l’aspirateur devant ma porte tous les samedis matins à neuf heures, j’ai cherché à peu près toutes les excuses possibles pour rentrer chez moi à toute vitesse. Et puis j’ai joué le jeu, parce que finalement, c’était pas si mal, de retomber en enfance. Bon, ok, il y avait le chien, et ça jouait un peu. Ça et le fait que j’ai compris que c’était peut-être la seule fois, dans ma vie d’adulte, où je serais amenée à passer autant de temps avec mes parents. Et que c’était plus une chance qu’une contrainte, parce que rien n’est fait de promesse d’éternel.
Quand j’étais ado, j’étais tellement occupée à rêver du jour où je partirai, à imaginer les règles dont je déciderai, que j’en ai oublié de regarder les humains derrière les étiquettes « papa » et « maman ». Peut-être que le fait d’avoir 25 ans me donne plus de libertés lorsqu’il s’agit de dire ce que je pense, d’amener des discussions qu’on n’aurait pas osé avoir il y a quelques années, mais ces deux mois ont défilé sans que personne ne s’en rende compte.
J’ai eu la chance de passer du temps avec mon père. Mon papa, il ne parle pas beaucoup, mais il a des yeux qui vous disent tout. Je ne sais pas si c’est un grand timide, ou s’il a juste trop de choses en lui qu’il ne sait pas dans quel ordre les sortir. Je suis partie tôt de la maison, à 18 ans, et on a tous pris l’habitude que ma mère fasse le lien entre nous. Je passe des heures au téléphone avec elle, et il s’installe à côté en tendant l’oreille, en soufflant des « dis lui que » ou « alors ? ». Et quand il n’est pas là, il demande les rapports détaillés. Mais entre nous, on ne s’appelle pas beaucoup. Quelques textos de temps en temps, c’est tout. Passer deux mois à la maison, ça a été la chance de parler de nos lectures, de sortir en garrigue pour promener le chien, de débattre sur le chemin le plus court, le meilleur itinéraire pour une balade, parce qu’on est tous les deux très fiers de notre sens de l’orientation. Ça a été l’occasion de rejouer les blagues que je voyais passer sur Internet, et de le voir pleurer de rire. Ça a été l’entendre me dire, après m’être plaint que je ne voulais pas défaire la cabane que j’avais construit dans ma chambre, « tu n’auras qu’à en faire une plus belle la prochaine fois que tu viendras » et avoir sept ans à nouveau.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_section][vc_row][vc_column width= »1/4″][vc_single_image image= »7678″ img_size= »large »][/vc_column][vc_column width= »3/4″][vc_column_text]Avec ma mère, je crois qu’on ne prenait pas assez le temps de se poser. On parlait toujours beaucoup au téléphone, puis une fois à la maison, je considérais que tout avait été dit. En étant dans la même maison, on a pris la peine de s’asseoir et d’avoir de vraies discussions.
Les gens disent toujours que la clef d’une relation, c’est la communication. Chacun a sa manière de communiquer : des lettres, des appels, des petits mots, des actes… En se retrouvant sous le même toit pour aussi longtemps, forcément, les habitudes changent. Il y a plus de compromis, mais aussi plus d’écoute.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][/vc_section][vc_row][vc_column][vc_column_text]En passant autant de temps à la maison, j’ai pu être celle qui organisait la chasse aux œufs de Pâques. Et pour la première fois en 28 ans, ce sont mes parents qui ont eu des chocolats. Ça a été leur faire découvrir ma série préférée, puis passer les soirées et les dimanches affalée sur le canapé, avec eux, à re-regarder des saisons que je connais déjà par cœur juste pour savoir ce qu’ils pensaient de chaque épisode. Il y a eu les débats « il faut laver les yaourts ou pas ? » les « n’oublie pas de monter ton linge » qu’on m’a laissée oublier pendant quatre jours. Les nuits d’orage où on se levait à tour de rôle pour calmer le chien, pour que je finisse par le laisser venir se blottir en douce contre moi une fois le reste de la maison recouché. Toutes les familles n’ont pas la chance d’avoir deux mois à partager ensemble, et je suis reconnaissante d’avoir eu un travail et une situation qui m’ont permis d’en profiter, même si cela impliquait une pandémie.
Et soudain, tout est redevenu calme.
Rentrer chez moi, reprendre mon quotidien après deux mois d’un tel changement, ce n’a pas été facile. J’en suis même venue à envisager de retourner dans ma région d’origine. Je crois que c’est l’histoire de ma vie. J’ai toujours eu le cul entre deux chaises. Les pieds enracinés et le cœur ailleurs, mais sans trop savoir où. Forcément, après deux mois auprès des siens, quand tout s’est bien passé, on a envie de faire durer le plaisir. Mais une fois mes habitudes retrouvées, je me suis souvenue que la ville, c’était pas si mal. J’ai découvert que la rambarde de mon balcon était devenu LE rendez-vous Tinder de tous les pigeons du coin. J’ai même commencé à sympathiser avec l’un d’entre eux. Puis parce qu’en ville, on peut se faire livrer des sushis, ou des parts de cheesecakes. Je vous jure, je suis devenue un vrai pilier de l’économie locale. J’essaie de sauver tous les restaurants à moi seule.
Dernièrement, je me noyais dans l’agitation, et je crois que ça avait fini par m’empêcher d’écrire. Peut-être que certains trouveront cet article trop personnel, mais moi je crois qu’il raconte juste des choses simples de la vie. Des choses sur lesquelles on oublie trop souvent de s’arrêter. Et je crois aussi que c’est pour ça que j’ai toujours su que je deviendrai écrivain. Parce que depuis petite, j’ai l’impression de voler ces instants fugaces, de saisir ces petits détails sur lesquels les autres semblent ne jamais s’attarder. Ma mère est une tornade, pas de celles qui cassent votre maison, mais de celles qui vous la réorganisent en 10 minutes. Elle dit souvent que je suis trop tranquille, « à la cool », et je crois que voir nos deux façons d’aborder la vie se mélanger fut très rigolo (même si je suis sûre qu’elle a voulu me secouer une ou deux fois). Le fait de réapprendre à me poser m’a réappris à observer, à saisir ces microsecondes qui font de nous des êtres si singuliers. Alors j’ignore encore si je finirai par déménager (je ne voudrais pas que les pigeons se sentent abandonnés), mais ce qui est certain c’est que je n’oublierai plus de regarder autour de moi.
En attendant, sachez que de nombreux projets se profilent. Avec le covid, la sortie de mon 4e roman aux éditions City, qui était prévue pour l’été 2020, est malheureusement reportée à l’été 2021. Mais ce n’est que partie remise, je serai bientôt dans votre librairie. Et soyez sûrs que je prépare bien d’autres choses en attendant !
En ce qui concerne la photo de couverture de cet article, j’espère que vous appréciez la vision de ce salon de jardin, car il m’a fallu 3 heures pour le monter, à la clef allen, parce que ma visseuse a décidé de me lâcher à ce moment-là. Je n’ai plus de doigts. Sachez qu’écrire cet article fut un calvaire.
Prenez soin de vous, et n’oubliez pas de vous arrêter pour regarder ce qui se passe autour de vous (surtout avant de traverser la rue).[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]
Très touchant cet article!!! pour ma part ,la famille rien de plus cher au monde…..
des bisous REINE MARIE
Merci beaucoup Reine-Marie ! Oui, je pense que quand on est plus jeune on ne se rend pas assez compte de la valeur de ses proches, et en grandissant on comprend que la famille c’est ce qui nous accompagne du premier au dernier jour 🙂