Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Alors pour célébrer mes 23 ans, j’ai décidé d’écrire un article un peu bilan, feel-good, mais surtout de m’entretenir avec celle que j’étais il y a 10 ans. Ou plutôt, de lui dire tout ce que j’aurais voulu qu’elle sache à cet âge là. Je ne suis jamais très à l’aise avec les exercices qui exigent que l’on se dévoile, vous pardonnerez donc les éventuelles maladresses qui se glisseront dans ce billet, mais j’éprouvais le besoin de m’assoir devant mon clavier.
Le bilan
L’an dernier, je soufflais mes bougies avec une convention de stage à l’autre bout du monde en main, et la signature d’un contrat d’édition à compte d’éditeur dans la poche. Je n’avais qu’un seul objectif, qu’une seule certitude : cette année, j’allais tout niquer. C’est un peu grossier, c’est vrai. Pardon mamie, Rachel, et mes parents si vous lisez cela – ce qui atteint 99,99% de probabilité, je sais d’où viennent mes gènes de stalker… Mais c’était ce qui me tenait à coeur plus que tout, et c’est ce à quoi j’ai consacré chacun des 365 jours 1/4 de l’année qui vient de s’écouler. J’ai concentré tous mes efforts à la réalisation de mes rêves, au dépassement de mes plus grandes peurs, et ça a payé. Parce que je viens de passer un an à signer des livres – MES livres -, à sillonner la jungle thaïlandaise en scooter, à prendre des avions toute seule, à sauter d’un fuseau horaire à l’autre comme on change de chemise, à sauter dans l’inconnu, jour après jour, à m’éloigner des bancs de l’école où je m’ennuyais si fort pour commencer à rêver si grand. Moi qui me targuais toujours d’être si curieuse de tout, je n’avais jamais pris le temps de faire connaissance avec moi-même, et pour la première fois j’ai pris le temps de gratter toutes les couches que j’avais laissé se superposer sans leur donner de sens, ni de but. Voilà deux mois que je suis rentrée en France, et maintenant que l’heure est venue de fêter ce vingt-troisième anniversaire, je ne peux m’empêcher de me demander « et après ? ». Contrairement à l’an dernier, je suis face à une feuille vierge. Et pour la première fois, ça ne me fait pas peur. Car je n’y vois plus l’inconnu, ce mot-valise qui était tant source d’angoisse par le passé, mais le chemin de tous les possibles. Et alors qu’une méprisable poussée d’acné s’est manifestée sur mon front il y a deux jours, j’ai repensé à l’année de mes treize ans. J’étais en 5e et je crois que j’ai jamais autant détesté quelque chose dans ma vie : cette année était bien perrave. Du coup, j’ai imaginé ce que j’aurais voulu me dire, si j’avais pu parler à mon moi du passé. Et je me suis rendu compte que j’avais pas mal de choses en réserve.
Lettre à mon moi du passé
Je n’ai malheureusement pas de DeLorean pour te transmettre ce message, et tous ces mots seront donc perdus – oui, j’ai vu le film cette semaine, tu devrais d’ailleurs le regarder dès maintenant au lieu d’attendre dix ans. Mais il y a tout de même deux ou trois trucs que j’aimerais que tu saches. Déjà, c’est que même si tu as le sentiment que tout craint en ce moment, ça va s’arranger. Genre, vraiment. Ta santé, tes problèmes d’ado, l’ennui qui semble te tuer à petit feu : tout ça va passer. Je sais que tu essaies déjà de t’en convaincre, mais t’arrives pas à y croire. Pourtant c’est vrai. Tu te réfugies dans les livres, tu vis par procuration, et t’as parfois le sentiment de passer à côté de ta vie. Ça aussi, c’est vrai. Pourtant, c’est ce qui va te sauver, te donner un but, mettre l’ennui k.o et te donner l’impression que tu peux bouffer le monde. Alors oui, franchement, mets-toi un coup de pied aux fesses et essaie de parler plus aux gens qui t’entourent – ceux de ton âge, hein, parce que les adultes ça va deux minutes, mais il faut que t’arrête de vouloir leur ressembler. Même à 23 ans, tu sauras toujours pas ce que c’est, d’être un adulte, et je te souhaite très sincèrement de ne jamais le savoir. Procure-toi un exemplaire de Peter Pan, et du Petit Prince, au lieu d’attendre respectivement tes 15 ans et tes 20 ans. Parce que ces livres vont changer ta vie, et qu’ils vont t’aider à accepter l’alien que tu es.
D’ailleurs, n’aie pas peur d’être cet extraterrestre toujours à côté de la plaque, qui vit plus dans sa tête que dans le monde. Le rôle que tu endosses pour essayer de te fondre dans le moule, ce n’est pas toi, ça ne le sera jamais et ça ne te rend pas heureuse. Ce n’est qu’une barrière de plus entre toi et les autres, comment peux-tu t’étonner, alors, qu’ils ne te comprennent pas, qu’ils ne te connaissent pas, quand tu ne montres rien de ce qui fait que tu es toi ? Tu as l’impression que parce que tu te sens différente, et peut-être que tu l’es vraiment, tu ne trouveras jamais ta place dans ce monde. Je veux que tu saches que c’est faux. Tu mérites ta place, comme chaque personne qui t’entoure. Oui, autant que les imbéciles qui te mettent parfois des coups de pieds dans le sac à dos ou qui se moquent dans les vestiaires. Parce que toi aussi, parfois tu blesseras des gens, parce que tous les ados sont un peu cons-cons sur les bords, et t’es comprise dans le package. Mais crois un peu plus en toi, s’il-te-plaît, ça te servira plus tard. Promis. Parce que tu es un super alien, peut-être même un zèbre – si seulement tu te décidais à creuser cela – et que dans quelques années, les marginaux auront grave la côte.
Je sais que tu te sens souvent seule au monde, que tu as une inexplicable mélancolie qui t’étouffe parfois, et que tu as le sentiment que personne ne pourra jamais te comprendre. Pourtant, tu es loin d’être seule, et surtout loin d’être LA seule à éprouver ces sentiments bouleversants. En fait, c’est le lot de tout un chacun. Ça aussi, ça s’estompe avec les années. Mais certains jours, ça revient, sournoisement, et c’est pour ça que je voudrais que tu te fasses plus confiance. Pour avoir plus de force dans ces jours-là. Tu te sens trop à l’étroit dans ce petit village que tu n’as presque jamais quitté, parfois même dans ce monde, mais je voudrais que tu voies comme tu deviendras capable de te créer tes propres univers, de t’offrir toute la place dont tu as besoin, dans ces ailleurs de l’imaginaire mais aussi dans ces bouts de planète Terre que tu n’aurais jamais pensé explorer un jour. Pour l’instant, tu te sens en cage, mais un jour tu te découvriras l’âme d’une aventurière. Accroche-toi à ça très fort, surtout les jours où tu as envie de lâcher l’affaire, où tu te sens impuissante et démunie : un jour, tu apprendras à repousser tes limites, et tu seras une jeune femme vraiment très, très heureuse.
S’il-te-plaît, écoute un peu plus ce qu’on te dit, les conseils qu’on te donne, et évertue-toi à faire tout l’inverse. Tu es trop sage, tu as trop peur. Il y a une colère qui sommeille en toi, une rage de détruire, imaginer, créer et transformer, mais tu ne prends pas le temps de l’apprivoiser, d’en faire quelque chose d’utile. Tu dors sur tes lauriers, tu es terrifiée par l’échec et tu t’empêches de faire tellement de choses à cause de cette peur. Tu laisses n’importe qui te retourner le cerveau et n’importe quoi te faire croire que tu n’es pas capable, ou pas assez. Tu es ta plus grande barrière. Peut-être même la seule… Je voudrais te dire que tu ne pourras jamais te prémunir de l’échec. La vie est un échec en elle-même, tout l’enjeu est d’échouer avec plus ou moins de style, plus ou moins de force. Nous naissons pour mourir, et c’est à toi de choisir ce qui se passera au milieu. Les notes, la bienséance, le conformisme, la perfection, ce mot qui te motive tellement, qui te donne l’impression de tout maîtriser, tout cela n’a aucun sens. Malgré toutes les pincettes que tu prends, tes pas de fourmi, ton expertise en marche sur des oeufs, tu te casseras la gueule. Plusieurs fois, même, et souvent très fort. Vouloir se soustraire à l’échec, la déception, c’est vouloir se soustraire à la vie. Alors s’il-te-plaît, sors de ta zone de confort, pars à la recherche de ta zone magique et repousses-en les limites jour après jour. Je te jure que cette zone est merveilleuse, tu t’y sentiras plus heureuse que jamais. Tous ces échecs qui t’attendent, ils te feront passer de sales quarts d’heure, ils te feront douter, te donneront envie de baisser les bras, mais ils te rendront surtout plus forte. Ils seront des leçons. Tu ne perdras donc jamais vraiment. Ose, lance-toi, vis plus fort. Il y a un monde qui t’attend derrière les murs de ta chambre, de l’autre côté de cette fenêtre où tu te perches quand personne ne te regarde. Il m’a fallu dix ans pour le comprendre : mais demande-toi ce qui peut t’arriver, dans le pire des cas ? Tu pars de rien, tu as tout à gagner en essayant. Soit tu échoues et tu fais du sur place, soit tu progresses. On ne recule jamais vraiment, sauf si on s’en convainc.
Alors fais-toi un peu plus confiance, parce qu’un jour tu seras exactement là où tu en rêvais, et peut-être même un peu plus loin. Un jour, tu auras appris à vouloir t’impressionner toi-même plutôt qu’impressionner les autres, et dès lors le monde te semblera complètement différent. Alors oui, il y aura des hauts grisants et des bas très durs à encaisser. Tu devras en passer par des épisodes que je voudrais que tu n’aies jamais à connaître, mais je te promets que tout ira bien. Un jour, tu apprendras que ça ne sert à rien d’attendre de ne plus avoir peur, parce que cette peur est un moteur. Ce qui compte, c’est de passer au dessus. J’aimerais que tu saches que, dans 10 ans, tu seras ta meilleure amie (bon, l’une d’elles, tu as toujours besoin des autres pour chanter du Céline Dion avec toi en soirée, parce que toute seule c’est bien moins drôle). Que dans 10 ans, tu auras décidé de ne faire plus que ce qui te fait peur. Écrire cet article en fait partie, parce qu’il m’a demandé un recul, une transparence et une honnêteté qui dépassent les limites de ma pudeur. Et c’est pourquoi je le publie. Tu ne le liras sans doute jamais, parce que je doute vivre assez longtemps pour monter dans une machine temporelle, mais il sera peut-être une bouteille à la mer pour une autre ado de 13 ans qui écoute trop Avril Lavigne, pas assez AC/DC (pas encore), et qui pense qu’elle n’est pas assez forte, pas assez spéciale, pas assez tout court.
Vis alignée avec tes valeurs, apprends à te détacher du regard des autres, parce qu’on naît seul et on meurt seul : les autres ne sont que de passage dans ta vie. Tu n’as le droit qu’à une partie, ne laisse personne d’autre la jouer : c’est toi la reine du game. Tant pis si tes décisions les blessent parfois, si on ne te comprend pas toujours. Bats-toi pour ce qui te semble le mieux pour toi. Oui, même si un concessionnaire automobile se moque de tes chaussures roses à paillette et même si tu dois laisser beaucoup de choses derrière toi pour partir au bout du monde. D’ailleurs, j’aurais aimé que tu sois déjà tombée dans le rose et les paillettes à 13 ans, je suis sûre que tu aurais été plus heureuse. J’aurais aimé pouvoir te dire tout ça, te rassurer, mais peut-être que cela t’aurait rendue trop confiante et que tu n’aurais pas acquis toute cette énergie, cette rage de croquer la vie, bouffer le monde. J’aurais vraiment voulu que tu saches que je suis fière de toi, de tout le chemin que tu as parcouru alors que tu t’en croyais incapable.
Alors oui, il y aura encore des matins sombres, des nuits à s’endormir sur un oreiller mouillé de larmes. Des jours de doute, des peurs qui semblent insurmontables. Mais tu verras, ce sera si insignifiant à côté de ce monde si spécial que tu as réussi à t’offrir. Et tout le chemin qu’il te reste à parcourir te semblera alors bien plus accessible.
Ah, une dernière chose. S’il-te-plaît, laisse tomber la frange, ce n’est vraiment pas pour toi. Et quand on t’enlèvera ton appareil dentaire, mets ta gouttière plus régulièrement, espèce de nouille, ça t’évitera de devoir en remettre un à trente ans. Aussi, arrête de dire « ah non mais ça, jamais » parce que tu te rendras compte que tous ces « jamais » se concrétisent, et ce ne sont pas toujours tes idées les plus intelligentes. Comme ton tatouage sur le doigt. Ça doit être une sorte de malédiction pour te punir de ta trouillardise, mais ça rendrait service à ton moi du futur si tu faisais plus attention. Et lis plus de livres sur la mythologie, même si tu laisseras tomber le latin à la fin de l’année. D’ailleurs, tu es sûre de vouloir laisser tomber ? Parce que tu vas vraiment, vraiment exaspérer ton prof de latin en hypokhâgne. Je dis ça pour toi, hein.
Et vous ?
Mon moi de 13 ans n’aura peut-être jamais la chance de lire cette lettre, mais vous oui. Vivez pour vous, dansez la vie, chantez la vie, et suivez votre coeur. Et même si parfois tout semble perdu d’avance, je vous le promets : tout ira bien, et tout fini toujours par s’arranger.
J’ai envie de conclure sur cette vidéo que j’ai dû utiliser récemment pour une mission freelance, et qui résume assez bien mes propos. Alors n’oubliez pas de rêver grand, et que le plus difficile, c’est toujours le premier pas.
Superbe billet!
« On ne voit bien qu’avec le cœur »
Merci Cissou ! Et merci de m’avoir mis le Petit Prince entre les mains !
Ton article m’a beaucoup touchée !
Merci d’avoir dépassé ta pudeur, car oui finalement, tous ces soucis et ces questions, on les partage tous un jour ou l’autre…
Merci pour ton retour, je suis ravie que tu aies pu te retrouver dans cet article et, surtout, qu’il t’ait touchée. Oui, je pense qu’on en passe tous par là un jour ou l’autre, avec plus ou moins d’intensité. Même Beyoncé doit connaître ces moments… ah ! ah !
C’ est une lecture de soi dense , profonde , lucide , très adulte que je relirai avec beaucoup d’ intérêt .
Je te souhaite une belle vie , avec de grandes réussites . Françoise
Merci beaucoup pour ce retour !
Punaise, merci!
J’ai vingt-sept ans, et je me sens malheureusement comme ta ‘toi’ de treize ans. Je devrais imprimer ton article et bien rentrer tout ce qu’il dit dans ma tête…Vraiment, merci.
Très bonne continuation à toi!
Bonjour Amandine,
ton commentaire me touche énormément. Il m’a fallu beaucoup de temps pour changer cet état d’esprit, et je ne te cache pas qu’il me rattrape parfois, mais n’oublie pas que tu es la seule qui sera toujours là, du premier jour au dernier, et que tu es ta seule limite. Tout t’es possible du moment que tu te l’autorises. Beaucoup de courage à toi, et n’oublie pas que tu déchires !