Beaucoup d’entre vous ont relevé mon silence ces dernières semaines. Il est vrai que je n’ai rien posté depuis l’article où je vous racontais mon premier Noël au bout du monde, loin de ma famille. Le fait est que j’ai quitté la Thaïlande le 13 janvier 2018. Je suis revenue en France le 17, après quelques jours à Singapour. J’ai voulu profiter au maximum des derniers moments en compagnie des personnes qui m’ont accompagnée tout au long de cette incroyable aventure. Et avec elles seulement. J’avais besoin de vivre à fond ces derniers moments, pour moi, avec eux, sans relater mes péripéties sur le blog. Puis il y a eu le retour. Je m’étais préparée à ce que ce ne soit pas facile, mais je ne m’attendais pas à ça… Le choc culturel inversé.
Quand rentrer dans son pays s’avère plus difficile que le quitter
Ne vous méprenez pas, j’adore la France. J’ai eu l’opportunité de rester en Thaïlande, j’ai fait un choix, la décision a été extrêmement difficile à prendre mais je l’ai prise de mon plein gré. Cette année scolaire était mon année de césure. J’avais à cœur d’y réaliser un maximum de rêves, et pour mener à bien tous ces projets, il me fallait quitter Chiang Mai. Cette ville est devenue ma deuxième maison, je m’y suis sentie chez moi dès ma sortie de l’aéroport. Mais, même si j’explorais une nouvelle région chaque mois, même si je faisais de nouvelles choses et de nouvelles rencontres en permanence, j’avais le sentiment d’avoir retrouvé une certaine zone de confort. Or, le mot d’ordre de ma césure est de me botter l’arrière-train à coups gros coups d’escarpins pour m’extraire autant que possible de cette zone. Parce que j’ai compris que les moments où je suis la plus heureuse, c’est lorsque je me jette dans l’inconnu, que je fais des choses qui me font peur. Alors j’ai décidé de ne faire plus que des choses qui me font peur. Et, croyez-le ou non, rentrer en France m’effrayait plus que rester en Thaïlande.
Passer du quotidien extraordinaire à la routine ordinaire
Partir au bout du monde, c’est l’occasion de prendre un nouveau départ. On pose ses valises en terrain neutre, loin de tout ce qui nous est familier, et on peut choisir les nouveaux repères que l’on veut. C’est une occasion unique de découvrir ce que l’on a vraiment dans les tripes, ce dont on est capable, de tester ses limites. Je sais que c’est cliché au possible, mais partir m’a permis de me trouver, de devenir celle que je n’osais pas être en France. J’ai chamboulé mes habitudes, j’ai acquis la confiance dont je manquais si souvent. À dix mille kilomètres de mes proches, je ne pouvais pas appeler mes potes ou ma famille à la rescousse au moindre pépin. Je ne pouvais compter que sur moi. Impossible de suivre passivement le mouvement quand on est seule dans un aéroport et qu’il faut remplir des papiers, trouver la bonne porte d’embarquement. Bien sûr, au fil du temps j’ai noué des relations solides, mais lorsque je doutais, lorsque j’étais malade, lorsque quelque chose me chiffonnais, je gérais ça entre moi et moi-même. Et cela s’est surtout vérifié lors de mon séjour solo à Singapour : si je voulais manger, me balader, découvrir les lieux d’intérêt de la ville, il me fallait me débrouiller pour prendre le bus, me repérer, me faire comprendre toute seule. C’est ainsi que je me suis retrouvée au parc d’attraction Universal Studio à faire des attractions toute seule, et à apprécier sincèrement ma journée, alors que ça m’aurait paru impensable il y a quelques mois. En France, je n’osais même pas m’installer dans un café toute seule. Mais bon, je vous raconte déjà tout cela dans l’article sur Singapour.
En rentrant en France, je savais ce que je quittais, mais je n’étais pas sûre de ce que j’allais trouver. Il me fallait accepter de renouer avec la Pauline d’avant, et de retrouver sa routine. En Thaïlande, mes principales préoccupations étaient de savoir où mes potes voulaient sortir, où est-ce qu’on allait manger, et où est-ce qu’on partait pour le week-end. En France, tout ce que j’avais laissé avant de partir m’attendait, et il fallait gérer avec. Passer de stagiaire qui fait quelques missions en freelance à auto-entrepreneuse à temps plein, rentrer chez mes parents à 23 ans alors que j’avais l’habitude de vivre seule depuis mes 18 ans, me réinvestir dans la promotion du livre, que j’avais un peu mise entre parenthèses pendant mon séjour, et me secouer pour commencer le deuxième, c’était loin d’être la perspective la plus folichonne. Ah, j’oubliais ! Au milieu de tout ça, prévoir quelques voyages parce que je me suis promis de voir du pays. Vous l’aurez compris, rentrer en France était l’option qui comportait le plus d’enjeux. En Thaïlande, je m’éclatais, mais j’étais dans une bulle magique où je ne me mettais plus vraiment en danger. Revenir, c’était me confronter à la vie d’adulte, aux responsabilités, à mes rêves, mes projets, et prendre le risque de me manger le mur à trop vouloir foncer. Mais c’est comme ça que j’ai su que c’était la décision à prendre. Alors certes, mes journées sont moins rythmées, je suis retournée dans mon trou paumé dont je connais chaque rue par cœur, mais je sais que lorsque je me lève, chaque matin, je travaille pour moi, pour atteindre les buts que je me suis fixée, et c’est peut-être pas si ordinaire que ça, comme routine.
La réalité du retour : le choc culturel inversé
Étrangement, je n’ai jamais éprouvé de choc culturel en Thaïlande. Bon, allez, disons que je l’ai un peu éprouvé à Bangkok, quand je suis descendue du taxi et que j’ai mis le pied sur une bouche d’égouts, juste à côté d’un rat crevé, puis que j’ai levé la tête et que j’ai eu l’impression d’être propulsée dans une immense fourmilière, grouillante de monde et bruyante. Mais c’était après 4 mois dans le pays, ça ne compte pas. Non, vraiment, j’avais beau être dans un pays où il y avait des crapauds-boeufs sur mon parking, des poules et des chiens errants partout sur les routes, des gens qui péchaient dans un fleuve boueux et certains qui vivaient dans des cabanes, où je croisais des conducteurs de scoot tenant une poule sous le bras, ou portant une chèvre sur la selle, où je n’avais pas d’eau chaude tous les jours et où l’eau courante n’était l’amie de personne, et même après avoir vu une vache garée sur un parking, à deux pas de mon immeuble, j’étais dépaysée mais je n’ai pas éprouvé de choc culturel. Pourtant, il m’est arrivé d’être la seule blanche dans les parages, et qu’on me prenne en photo pour cela (coucou les touristes chinois), j’ai parfois été incapable de savoir ce que je commandais dans une cantine car la mamie qui cuisinait ne parlait pas anglais et que tout était en thaï, sans photos, mais je n’ai jamais eu le sentiment de claque en pleine figure. En revanche, lorsque j’ai pris la navette à l’aéroport Charles de Gaulle pour rejoindre la gare et que des gens râlaient et s’engueulaient parce qu’un monsieur, chargé comme une mule, les avait légèrement bousculés en passant avec ses bagages, j’ai pris une claque. Lorsque je suis arrivée à la gare, après 40 heures sans avoir bu ni mangé (je suis rentrée par un vol low cost et j’étais tellement en mode automatique à cause du retour que j’en ai oublié de manger avant), que j’ai voulu acheter une madeleine et un sandwich à Class’ Croute et que la dame m’a gentiment annoncé » Sept euros cinquante, s’vouplait », j’ai pris une claque. Parce qu’à ce prix-là, j’avais un magret de canard et une mousse au chocolat chez Marco, sur Loi Kroh.
La violente prise de conscience qui accompagne le retour
Je suis partie sept mois, et j’ai l’impression d’avoir plus évolué au cours de ce séjour que pendant toute mon adolescence. Mais la véritable claque, c’est de rentrer transformée et de se rendre compte qu’ici, rien n’a changé. Excepté la mort de Johnny (heureusement, j’étais loin de tout média français lorsque c’est arrivé), les actualités semblent être les mêmes que lorsque je suis partie. Les gens se plaignent des mêmes problèmes sans que personne n’ait l’idée de prendre des mesures concrètes pour y remédier. Et je ne parle pas forcément d’enjeux nationaux, mais des petites préoccupations nombriliques de tout un chacun. J’entends les gens se plaindre du travail, de leurs relations, de leurs projets, sans daigner réfléchir une seconde à ce qu’ils pourraient faire pour que les choses s’arrangent.
Le lendemain de mon retour chez mes parents, j’ai ouvert mon placard et je me suis rendue compte que je n’avais plus de pulls. J’avais laissé mes affaires d’été dans ma penderie et mes affaires d’hiver au débarras. Je suis allée les chercher, j’ai vidé l’intégralité de mon placard et j’ai commencé à faire un tri monumental. Puis je me suis attaquée au reste de ma chambre. Pour la première fois depuis des années, j’ai jeté / donné / mis au débarras des affaires qui m’envahissaient. Puis je suis allée faire les magasins, et j’ai acheté de quoi refaire ma garde-robe (heureusement que je suis rentrée après la deuxième démarque des soldes). Tout simplement parce que je me suis rendue compte que je ne me reconnaissais absolument plus dans les affaires qui m’appartenaient. Mes vêtements, mes éléments de décoration… Ce n’était plus moi. Je n’étais même pas sûre que ça l’ait vraiment été un jour.
« Alors, c’est comment le retour ? » Le bilan, après un mois en France
Voilà un mois que je suis rentrée. La décision n’a pas été facile à prendre, mais je ne la regrette absolument pas, pour toutes les raisons susmentionnées. Oui, j’ai vécu un véritable choc culturel inversé. Mais c’est une bonne chose, car cela signifie que j’ai changé. J’ai grandi. Pas littéralement, malheureusement, mais c’est déjà ça de pris. Bien sûr, il y a certains aspects négatifs de la France qui me sautent aux yeux bien plus qu’avant. Mais le retour à la routine s’est également fait de manière incroyablement naturelle. Le plus dur, ce fut sans doute de me réhabituer à conduire à droite (et une voiture, en plus). Oh, et puis il fait froid. Je n’avais pas vu un pull depuis avril 2017, autant vous dire que le choc thermique a été plus violent que le choc culturel.
Sinon, dans l’ensemble, ça se passe plutôt bien. Je parle régulièrement avec les amis que je me suis fait à Chiang Mai, on s’écrit même tous les jours avec certains. Je suis même montée à Paris pour retrouver l’une de mes deux acolytes préférées. C’est sûr qu’en Thaïlande, j’étais habituée à me shooter tous les jours à l’aventure, alors passé l’émerveillement du retour – cette période où on redécouvre son pays, ses clichés, ses paysages, avec des yeux d’enfant – il faut se réhabituer à une vie moins excitante. C’est dur de se dire que quand mes amis restés sur place m’appellent en soirée, et qu’il est 17 heures pour moi, je ne peux pas juste sauter sur mon scooter pour les rejoindre et rire avec eux. Mais le fait est que je suis le seul maître du merveilleux dans mon existence. Il ne tient qu’à moi de vivre chaque jour comme une aventure, peu importe que je crapahute dans une montagne en Thaïlande ou que j’établisse des factures depuis ma cuisine. J’ai décidé de faire de mon retour un nouveau départ plutôt qu’une fin. Je m’accroche aux nouveaux projets que j’entreprends. La reprise du sport, le travail en freelance, les projets de voyages, dont la Russie qui se concrétise peu à peu, et mon inscription à des cours de piano, un instrument que je n’ai presque plus touché depuis mes 15 ans. C’est un nouveau départ en musique, et tout est toujours plus doux sur un air de piano.
« La folie, c’est de faire la même chose encore et encore et espérer des résultats différents. »
Einstein
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Encore un article fort instructif ! Eh oui, le retour au bercail peut s’avérer difficile parfois 😉
Courage ma Belle et vivement tes prochaines aventures 🙂
Et oui, mais ça reste du positif en fin de compte ! À bientôt 🙂
Très belle description de toi-même . Oui , tu as changé , je l’ ai compris à travers tes billets que j’ ai suivis avec beaucoup de bonheur . Tu t’ es bien prise en main et tu as réussi . Tu as vécu une belle expérience qui t’ a grandie . A bientôt . BIses . Françoise
C’était une super expérience, en effet ! À bientôt 🙂
Comme je te comprends, je viens de rentrer d’un an et demi d’expatriation au Canada avec deux mois et demi non stop sur les routes, et trois mois après j’ai du mal à revenir à ma vie d’avant.. Je commence tout juste à reprendre mes repères… Bonne continuation à toi 🙂
Bon courage ! Ça doit être encore plus dur après autant de temps si loin, surtout après le road trip. Mais tu vas retrouver tes marques, ou t’en inventer de nouvelles 😉
Très bel article que j’ai beaucoup apprécié et aimé pour la qualité de l’écriture et la personnalité tolérante et mûre de l’auteure . Le choc culturel inversé est beaucoup plus fort et souvent pesant chez ceux qui vont pour un certain nombre d’années dans un pays en qualité de coopérants oi diplomates et qui rentrent à la fin de leur mission …Ils se trouvent déboussolés et prennent un temps plus ou moins long pour se réadapter.
Bonjour Youssef, merci d’avoir pris le temps de me lire. J’imagine que le choc doit être encore plus dur après des missions diplomatiques, car on est encore plus investi dans la culture du pays dans lequel on s’expatrie. Les différences doivent nous sembler encore plus fortes quand on rentre. Mais ce qui est intéressant dans ce sentiment, c’est qu’on remarque qu’on a emporté un peu de son pays d’accueil avec soi 🙂
Hello Pauline !
Je te comprends très bien. J’en suis à 8 mois de voyage et il me reste encore 3 mois mais je commence déjà à penser à mon retour. J’avoue, j’appréhende un peu…
Mais comme tu le dis, « J’ai décidé de faire de mon retour un nouveau départ plutôt qu’une fin. »
La clef, je pense, est de préparer ce retour et d’avoir des projets :Sinon oui, on risque de prendre cher !
Bonjour Xavier 🙂
Tu fais bien de commencer dès à présent à préparer ton retour, si je n’avais pas eu tous ces projets je pense que le retour aurait été bien plus dur. Profite bien de tes derniers mois de voyage !